Habitats et principales espèces de Chausey

HABITATS

La ZSC « Chausey » est principalement ciblé pour l'habitat d'intérêt communautaire "Bancs de sable à faible couverture permanente d'eau marine" (1110). Ces bancs sableux submergés, essentiellement siliceux, en linéaire de l'avant-plage, forment le prolongement sous-marin des estrans sableux. L'influence hydrodynamique des houles et des courants de marée est majeure. Les accumulations sous-marines de sables peuvent prendre l'aspect de véritables dunes, dites dunes hydrauliques, souvent composées de sables coquilliers. Bien que relativement pauvres sur le plan biologique en termes de diversité, elles hébergent des espèces typiquement inféodées à ce type de formation, qui sont souvent abondamment représentées.

 L'habitat d'intérêt communautaire "Récifs" (1170) est également présent sur l'espace marin des sites et offre une stratification variée de communautés algales et animales, en fonction de la profondeur et des conditions hydrodynamiques. De ce fait, il présente souvent une grande biodiversité et participe à la richesse floristique et faunistique du site. 
 

OISEAUX 

Chausey, un site exceptionnel : Les premiers décomptes et inventaires des oiseaux de l'archipel datent de 1959, auxquels ont succédé des comptages annuels à partir de 1961. C’est en 1984 que le Groupe Ornithologique normand (GONm) a organisé les comptages annuels à son propre compte.  La création d'une réserve ornithologique, par signature d’une convention avec la SCI des îles Chausey propriétaire des îles et îlots, a vu le jour en 1987.

Un patrimoine ornithologique exceptionnel...Jusqu'à présent, parmi les 479 espèces d'oiseaux observables en France, ce sont 232 espèces qui ont été observées sur le site. L’archipel de Chausey figure au rang des sites majeurs en France pour la conservation de plusieurs espèces d’oiseaux marins. Ceci explique sa désignation en tant que Zone de Protection Spéciale.

Les nicheurs...Parmi les nicheurs, la ZPS constitue un site d’importance internationale pour le Cormoran huppé (Phalacrocorax aristotelis) avec environ 1000 couples. Un site est dit d’importance internationale lorsqu’il accueille au moins 1% de la population biogéographique totale d’une espèce, ce qui est donc le cas pour cette espèce. En période hivernale, l’espèce est également présente de manière conséquente.

Pour le Goéland marin (Larus marinuset l’Huîtrier-pie (Haematopus ostralegus), l’archipel accueille une part significative des effectifs nationaux, avec respectivement 17% et 20% des effectifs nicheurs nationaux. Pour le Tadorne de Belon (Tadorna tadorna), le site est aussi d'importance nationale avec une cinquantaine de couples supposés.

Les îles et les îlots permettent en outre la nidification de la Sterne pierregarin (Sterna hirundo), du Goéland argenté (Larus argentatus) pour lequel le site est d’importance régionale malgré une baisse constante des effectifs, du Goéland brun (Larus fuscus), et du Harle huppé (Mergus serrator), canard marin dont le seul site français de reproduction est ici !

Les hôtes temporaires : les migrateurs...Pour eux, l'archipel est une zone de transit entre les sites de reproduction et les zones d'hivernage : La plupart sont des espèces pélagiques, ce qui signifie qu'elles vivent en pleine mer. Parmi celles-là, citons l'emblématique hôte du milieu marin, le discret Océanite tempête (Hydrobates pelagicus) dont on soupçonne la reproduction dans le site sans que cela ait pu encore être démontré à ce jour.  La Sterne caugek (Sterna sandvicensis) est elle aussi très présente ne périodes de migration.

Parmi les limicoles (oiseaux échassiers qui se nourrissent dans la vase), l’archipel est un lieu de halte important pour plusieurs espèces parmi lesquelles le Chevalier gambette (Tringa totanus), le Pluvier argenté (Pluvialis squatarola) et le Courlis cendré (Numenius arquata). Ces trois dernières espèces sont également présentes en période hivernale.

Fuir le froid hivernal....Pour certaines espèces nichant dans le nord de l'Europe (Islande, Scandinavie, Sibérie) Chausey constitue un site d'hivernage pendant la délicate saison qui s'étend de novembre à mars. Parmi celles-ci, deux espèces sont présentes en effectifs conséquents : la Macreuse noire (Melanitta nigra) avec 7 % des hivernants français et l’Eider à duvet (Somateria mollissima) dont la population hivernante peut représenter, selon les années, jusqu'à la moitié de la population française.

En mer....Au-delà de l’archipel stricto sensu, l’espace maritime entre la baie du Mont-Saint-Michel et l’archipel de Chausey est également connu pour accueillir des concentrations importantes d’alcidés (Pingouin torda et Guillemot de Troïl) en période estivale. Bien que les effectifs réels soient méconnus, il semble que cette zone marine accueille en particulier les oiseaux nés de l’année sur les sites de reproductions du littoral breton (Cap Fréhel en particulier) et ceux des îles anglo-normandes.

Enfin, le Fou de Bassan (Morus bassanus, photo ci-dessous) qui niche aux Sept-îles (au large des Côtes d'Armor), vient s'alimenter jusque dans les eaux comprises entre le plateau des Minquiers et la baie du Mont-Saint-Michel) et pénètre parfois à l'intérieur de l'archipel.

Les « habitats » pour les oiseaux : Il s'agit des habitats naturels utilisés par les oiseaux afin de satisfaire les phases essentielles de leur existence : reproduction, alimentation et repos.

Les îles et les îlots, milieux propices à la reproduction...Parsemés sur l'ensemble du site, les îlots constituent l'habitat de reproduction de plusieurs espèces. La structure de la végétation joue un rôle important pour expliquer la répartition des espèces. En effet, certaines d'entre elles privilégient les pelouses rases (pelouses aérohalines) pour déposer leur nid, à l'image du Grand cormoran et du Goéland brun. D'autres préfèreront une végétation arbustive leur permettant de dissimuler leur ponte. C'est le cas du Tadorne de Belon, ou bien encore du Cormoran huppé qui profite ici de multiples cachettes pour cacher son nid. La Sterne pierregarin dépose quant à elle ses œufs à même la roche, ce qui peut entraîner des conséquences néfastes en cas d'envol intempestif : il arrive alors parfois qu'un œuf reste collé à la plaque incubatrice de l'oiseau. En retombant, ils peuvent donc se briser. Enfin, l'Huîtrier-pie dépose ses œufs dans des micro-dépressions en pourtour d'îlots. Au final, chacune des espèces exploitent un habitat préférentiel assurant une bonne cohabitation entre elles. Seul le Goéland marin joue véritablement un rôle de régulateur sur les colonies, au détriment du Goéland argenté en particulier. En effet, il peut se révéler prédateur des jeunes poussins de ses congénères mais également un frein à l'installation des autres goélands par compétition spatiale.

En périodes hivernale et migratoire, certains îlots changent de fonction pour les oiseaux : les limicoles qui transitent par l'archipel les utilisent alors comme reposoir en attendant que la marée descende, découvrant ainsi les vasières et les bancs de sable où ils s'alimentent. Les îlots peuvent également servir de dortoirs où se rassemblent les oiseaux à la nuit tombée, à l'image des cormorans.

L'estran, un vaste garde-manger ? L'archipel se caractérise par un estran extrêmement vaste. Lors des grandes marées, des milliers d'hectares découvrent, offrant un garde-manger pour de nombreux oiseaux. Alors qu'on pourrait imaginer une fréquentation importante de cet espace par les espèces spécialisées (les limicoles), la situation n'est pas aussi évidente. 

Des travaux de recherche, sous l'égide du CRESCO, ont montré d'une part l'extrême fragmentation des milieux et, d'autre part, la configuration bathymétrique tout à fait particulière du site. Couplé aux coefficients de marée, cette situation a pour conséquence de restreindre assez considérablement les surfaces disponibles pour l'alimentation des oiseaux. Sur les 1000 hectares de substrat meuble, seuls 300 hectares sont effectivement exploitables par les oiseaux !

Ceci explique la fréquentation relativement faible du site par les limicoles.

Le milieu marin, réservé aux plongeurs ! Il constitue le milieu d'alimentation de prédilection pour les espèces piscivores (qui se nourrissent de poissons) de la ZPS : Grand cormoran, Cormoran huppé et Sterne pierregarin notamment. Là encore, à chacun sa technique de pêche et son régime alimentaire. Le Grand cormoran capture plusieurs espèces de poissons (une vingtaine), parmi lesquelles les Labridés et la Sole représentent l'essentiel des captures. Son proche cousin, le Cormoran huppé, est bien plus spécialisé. Pour lui, le lançon est vital puisqu'il représente plus de la moitié des prises de pêche !

MAMMIFÈRES MARINS

Concernant les mammifères marins, des observations et suivis ont montré que le Grand dauphin (Tursiops truncatus) fréquente régulièrement l’archipel et la zone marine du site de Chausey. Il s'agit d'une population résidente qui fréquente de manière privilégiée l'ensemble du golfe normand-breton. Par ailleurs, l’archipel offre des zones de repos pour les Phoques gris (Halichoerus grypsus) qui utilisent aussi le site comme zone d'alimentation Deux autres espèces de mammifères marins listées en annexe 2 de la DHFF ont été identifiés : le Marsouin commun (Phocoena phocoena) et le Phoque veau-marin (Phoca vitulina).

Le Grand dauphin est généralement observé dans les eaux côtières, sur le plateau continental, dans les archipels et autour des îles, mais également plus au large. En Manche-Atlantique, on trouve une population côtière et une population plus hauturière (Louis, et al., 2015). Les individus côtiers sont généralement plus sédentaires et utilisent des habitats variés, notamment les baies et estuaires, tandis que les dauphins hauturiers effectuent de longues migrations (Genov, et al., 2022). Le Grand dauphin a un régime alimentaire varié, incluant des espèces démersales et , telles que le Merlu européen (Merluccius merluccius), le Congre commun (Conger conger), le Rouget barbet (Mullus barbatus), le Lieu noir (Pollachius virens), le Haddock (Melanogrammus aeglefinus), la Seiche commune (Sepia officinalis), le Poulpe commun (Octopus vulgaris), etc. et des espèces pélagiques comme le Chinchard commun (Trachurus trachurus), le Merlan (Merlangius merlangus), la Sardine commune (Sardina pilchardus), l’Anchois européen (Engraulis encrasicolus), le Saumon atlantique (Salmo salar), etc.. Les données récentes suggèrent que la population européenne du Grand dauphin est globalement stable, malgré des fluctuations locales. La diversité des habitats qu’il occupe, son régime alimentaire diversifié et sa plasticité comportementale lui confèrent une certaine résilience face aux pressions anthropiques. En France-Atlantique, la population atteindrait un peu plus de 10 000 individus matures, avec une tendance actuelle inconnue, mais de plus en plus d'échouages sont observés. Il convient également de signaler les situations distinctes et contrastées entre les populations côtières et observées au large. Les effectifs sont beaucoup plus restreints en zones côtières où les pressions sont plus fortes et plus nombreuses : des groupes côtiers ont même récemment disparu, comme dans le Bassin d'Arcachon (MNHN, UICN France, SFEPM & ONCF, 2018). 

Le Phoque gris est une espèce emblématique des eaux de la Manche et de l’Atlantique où il fréquente les côtes rocheuses et les estuaires pour se reproduire et se reposer. Il est capable de parcourir de longues distances entre ses sites de repos et ses zones d’alimentation. Des études télémétriques ont montré que certains individus peuvent voyager plusieurs centaines de kilomètres, en particulier les jeunes et les mâles adultes. Ces déplacements sont influencés par la disponibilité des ressources alimentaires et les conditions environnementales. Le phoque gris est un prédateur opportuniste qui se nourrit principalement de poissons benthiques et pélagiques, bien que son régime varie en fonction des ressources locales. Ses proies incluent des poissons tels que le merlan (Merlangius merlangus), le lieu jaune (Pollachius pollachius), le hareng (Clupea harengus), le lançon (Ammodytes spp.), des céphalopodes et crustacés consommés en moindre quantité. Les analyses isotopiques et les contenus stomacaux ont révélé que le régime alimentaire du Phoque gris varie selon les saisons et les zones géographiques. En Europe (Atlantique Nord Est), la tendance générale est à la croissance avec une population estimée autour de 66 000 individus matures (Bowen, 2016). En France, deux colonies sont établies en Bretagne depuis plusieurs décennies, l’une en mer d’Iroise et la seconde aux Sept îles. La population totale est estimée à environ 1500 à 3 000 individus selon la saison en 2023, et connaît des apports significatifs issus des populations du Nord, notamment en Manche Est. Cette population est globalement en bon état de conservation avec une tendance actuelle à l'augmentation. Cependant, les situations sont contrastées entre les deux extrémités de la Manche : du côté Est, des individus en provenance des îles britanniques alimentent massivement les côtes françaises - d'où une augmentation significative en 10 ans malgré une faible dynamique de reproduction - tandis que, côté Ouest, c'est la dynamique de reproduction qui semble maintenir l'augmentation de la population. Son classement est « quasi-menacé » en France selon l’UICN en 2017.

Le Phoque veau-marin est plus sédentaire que le Phoque gris et privilégie les estuaires sableux et vaseux, notamment en baie de Somme et dans l'estuaire de la Seine. Son régime alimentaire est varié et comprend des poissons et crustacés qu’il capture dans des eaux peu profondes mais étant moins opportuniste et compétitif que les phoques gris, le Phoque veau-marin est moins résilient que le Phoque gris qui consomme une plus grande diversité de proies et explore des zones plus éloignées pour se nourrir. En Europe, la tendance de la population n'a pas été quantifiée, mais on ne pense pas qu'elle atteigne le seuil du critère de déclin de population de la Liste rouge de l'UICN (c'est-à-dire un déclin de plus de 30% en dix ans ou trois générations). En France, le Phoque veau-marin se reproduit uniquement sur les côtes de la Manche et les trois principales colonies sont situées en baie de Somme, baie des Veys et baie du Mont Saint-Michel. La population y est estimée à 1500 individus en 2023, mais sa tendance actuelle est à l'augmentation. Cette tendance résulte de la dynamique de reproduction locale et de l'immigration en provenance des Îles Britanniques - et potentiellement du Nord de l'Europe - sans que l'on puisse clairement chiffrer leur contribution respective. Des incertitudes demeurent sur cette dynamique à long terme, compte tenu des fortes baisses d'effectifs en Grande-Bretagne et des menaces qui pèsent sur ces populations, telles que la pollution, les risques d'épizootie et la compétition avec le Phoque gris, notamment sur les sites de reposoir. Quelques rares cas de prédation par cette espèce ont également été observés. Sa population en Manche-Atlantique est stable, voire en légère augmentation, bien qu’elle soit plus vulnérable aux perturbations humaines, notamment le dérangement lié au tourisme et aux activités nautiques (MNHN, UICN France, SFEPM & ONCF, 2018).

Le Marsouin commun (Phocoena phocoena) est l'une des huit espèces existantes de marsouin. Il est le cétacé le plus abondant en Manche-Atlantique bien qu’il soit difficile à observer en raison de sa discrétion et de ses déplacements erratiques (Hammond, et al., 2021). Il fréquente les eaux côtières et estuaires où il chasse principalement des petits poissons tels que les lançons, harengs (Clupea harengus), sardines (Sardina pilchardus), maquereaux (Scomber spp.), morues, soles, merlus (Merluccius merluccius), goberges, capelans (Trisopterus minutus). Il s’agit essentiellement de proies benthiques c’est-à-dire qui vivent près ou sur les fonds marins. Des espèces pélagiques peuvent également être consommées mais surtout au printemps et en automne, saisons qui correspondent aux déplacements de l’espèce, sans doute pour suivre leurs proies. En 2016, une étude complète de la région Atlantique en Europe - de Gibraltar à Vestfjorden en Norvège - a révélé que la population était d'environ 467 000 marsouins, ce qui en fait le cétacé le plus abondant de la région, avec le Dauphin commun (Hammond, et al., 2021). Les densités les plus élevées se trouvent dans le Sud-Ouest de la mer du Nord et les océans du Danemark continental ; cette dernière région abrite à elle seule environ de 30 000 à 107 000 marsouins communs (Hammond, et al., 2002). Malgré cela, certaines populations sont préoccupantes du point de vue de la conservation et pourraient nécessiter une évaluation distincte en tant que sous-population, telles que la sous-population de la mer Baltique, classée en danger critique d'extinction (Hammond, et al., 2008), et la sous-espèce de la mer Noire, classée en danger (Birkun Jr., et al., 2008). En France, présent de manière discontinue le long de des façades Atlantique et Manche, le Marsouin commun n'est plus observé en Méditerranée. Après sa quasi-disparition dans les années 1960, ses effectifs en Atlantique, où il se reproduit, ont été estimés en 2015-2016 à un peu plus de 10 000 individus matures (>20 000 d'après les comptages nationaux et européens) (MNHN, UICN France, SFEPM & ONCF, 2018). Ces chiffres traduisent une augmentation amorcée à partir de la fin des années 1990 jusqu'en 2005 qui a laissé place depuis à une situation stable depuis. La tendance actuelle de la population en Europe pourrait connaître à nouveau un déclin en raison de pressions multiples telles que les captures accidentelles, la diminution possible de la disponibilité de ses proies dans la zone Nord en lien avec la surpêche et le réchauffement des eaux, le dérangement occasionné par le trafic maritime et les usages côtiers, et les diverses formes de pollutions, auxquelles cette espèce est particulièrement sensible.